Benjamin Bonzi : « Si on m’avait dit il y a un an de ça que je serais 63ème, je ne l’aurais pas cru »

Photo : Instagram officiel de Benjamin Bonzi

Il est aujourd’hui co détenteur avec 4 autres joueurs (Tallon Griekspoor, Facundo Bagnis, Juan Ignacio Chela, et Younes El Aynaoui) du record du nombre de titres gagnés (6) en challenger sur une année. Nous avons eu l’honneur de pouvoir discuter avec Benjamin Bonzi, actuel 63ème mondial. Le Nîmois de 25 ans nous parle de sa carrière, des axes d’améliorations et de sa formidable épopée en challenger cette année. Une discussion vraiment enrichissante.

Bonjour Benjamin, pour commencer, on voulait te demander si tu avais encore de la place dans ton salon pour ranger tous les trophées gagnés cette année ? 

« J’ai encore un peu de marge, il va falloir faire mieux ». 

As-tu suivi ce qui s’est passé du côté d’Indian Wells la semaine dernière ? 

« Bien sûr, j’ai un peu regardé, de loin parce que forcément avec le décalage horaire, ce n’est pas les meilleures heures pour regarder les matchs, mais j’ai un peu suivi dans l’ensemble. Cameron Norrie joue très bien depuis le début de l’année, ça peut paraître une surprise qu’un joueur comme ça arrive au bout de ce tournoi, ça fait de nombreuses semaines qu’il joue très bien. C’était un Indian Wells assez particulier avec la programmation, le fait de le jouer aussi tard dans l’année, de partir en Europe puis de repartir aux US, donc c’est un climat plutôt favorable à des petites surprises. Je pense que la saison est longue pour tout le monde mais c’est bien pour le tennis que ça aille dans ce sens ». 

Abordons maintenant ta carrière. Ton premier fait d’armes remonte en 2017 au challenger de Bordeaux, où issu des qualifications, tu arrives à aller jusqu’en demi-finale, seulement défait par Dutra Silva, alors tenant du titre. Comment avais-tu vécu cette semaine extraordinaire ? 

« C’est un tournoi que j’ai adoré. J’étais arrivé là-bas un peu à l’arrache sans trop d’objectifs, ça restait un de mes premiers challengers. Je n’avais pas de but précis et petit à petit, j’ai commencé à gagner un ou deux bons matchs en qualifs, puis à me qualifier et après ça a bien pris. Ça a été mon premier gros résultat en France, où j’ai très bien joué toute la semaine. Cela a amené plein de surprises par la suite parce que c’est après que j’ai eu ma wild card pour Roland, ce fût une semaine vraiment intense ». 

Par la suite, tu obtiens ta première wild card dans un tableau du grand chelem à Roland Garros. Tu bats Medvedev au premier tour par abandon, alors classé dans le top 60 et, par la suite, tu t’inclines contre le spécialiste de terre, Ramos, qui obtient d’ailleurs le meilleur classement cette année de sa carrière. Qu’est-ce qui t’avait manqué ce jour-là face à un joueur du top 20 ? 

« A peu près tout. C’était très compliqué. Déjà il faut avouer qu’émotionnellement, ce n’est pas facile d’accumuler toutes ces charges émotionnelles qu’il y a autour de Roland. Le fait de passer un tour pour moi … je n’avais même pas joué de qualifs de grand chelem avant ça, je n’avais vraiment aucune expérience sur ces tournois. Malgré tout, le premier tour contre Medvedev a été assez intense et j’avais laissé pas mal d’énergie dans ce match. Il fallait gérer aussi un petit peu tous les en dehors du court, le côté presse m’a aussi beaucoup pris d’énergie, et je suis arrivé sur le court contre Ramos où, dans ma tête, je croyais pouvoir faire un résultat et, finalement, il s’est avéré très vite qu’il était beaucoup trop fort. Ramos n’avait pas un coup incroyable, ce n’est pas un grand serveur où il va avoir 3 points gratuits par jeu de service. Ce que je faisais ne le dérangeait pas et j’avais l’impression de ne jamais lui prendre de temps. Le mec était tout le temps installé et, petit à petit, il y avait 1, 2, 3, 4 frappes et c’était moi qui pliais à chaque fois. »

2018 a été une année compliquée pour toi avec des défaites précoces au premier tour, notamment en challenger. Cependant, tu arrives à te hisser en finale de Drummondville au Canada en battant notamment Vasek Pospisil, et tu obtiens un quart de finale au challenger de Brest, défait par Hurkacz. Explique-nous si tu le veux bien cette saison mitigée. 

« Ça été une saison très compliquée en effet. Je sors d’une année 2017 qui était un peu au-delà de mes attentes avec Roland Garros, le fait d’être monté 170 au classement. A la fin d’année 2017, j’ai eu des petits soucis personnels qui ont fait que cet équilibre que j’avais au quotidien s’effritait petit à petit, ça allait moins bien en dehors du court, et automatiquement, je prenais moins de plaisir à jouer, je m’entrainais moins bien, ça m’a éloigné du tennis. D’un côté c’est paradoxal parce que je restais ce joueur capable de faire des coups sur certains tournois et de faire une finale en challenger. Je m’étais qualifié pour Wimbledon aussi cette année-là et je pouvais sortir quelques gros matchs de temps en temps, il n’y avait pas du tout de constance mais à cette période, le tennis allait vite dans les deux sens et dès que tu te retrouves à enchaîner quelques défaites, la spirale devient vite négative et c’est compliqué après ».

En 2019, tu repars sur les futurs car les résultats en challenger ne sont pas à la hauteur de ce que tu espérais. Tu en gagnes 2 et tu arrives en finale à Rodez, puis Schlieren, pourquoi ce choix de repartir à la « mine » ? 

« Dans un premier temps, quand tu ne gagnes pas de matchs, forcément le classement redescend et j’arrivais sur une période où mon classement ne me permettait pas de tout le temps rentrer en challenger. Il fallait aussi faire un choix pour essayer de retrouver du rythme et ré enchaîner des matchs pour, justement, essayer d’inverser cette spirale et repartir sur un schéma un peu plus vertueux où tu enchaines 2, 3, voire 4 matchs en futur plus facilement qu’en challenger pour reconstruire à partir de ça. Tu ne peux pas enchaîner en faisant un first, 3 quarts, un first, ensuite demi. A long terme, tu ne construis rien et il fallait retrouver du rythme ». 

L’année suivante, tu réalises ta première finale en challenger à Bengalaru en Inde (défaite face à James Duckworth). C’est enfin la consécration pour tous les efforts fournis, que retires-tu de cette première finale ? Était-ce un déclic pour toi ? 

« Je ne sais pas si cela a été un déclic. Il faut refaire un peu le cheminement. A l’automne 2019, j’ai changé toute la structure autour de moi, j’ai changé de coach pour essayer de repartir sur quelque chose d’un peu nouveau parce que je sentais qu’il fallait créer un électrochoc, que je sorte de ce que je connaissais jusqu’à maintenant. Début 2020, j’ai recommencé à bien jouer, j’ai gagné un 25K $ en Thaïlande et la semaine d’après je fais une finale en Inde. Le fait de retrouver ce niveau et de ré enchaîner des victoires à ce niveau-là, ça m’a conforté dans mon choix d’avoir changé des choses pour réagir. Je pense que c’était un moment important pour la suite de se dire que malgré 2018 et 2019 qui étaient assez compliqués, j’avais encore les capacités de revenir et que j’étais sur la bonne voie. » 

Vient ensuite Roland Garros qui parachève une très bonne année de ta part. Tu t’inclines au second tour face à Jannik Sinner, alors 75ème mondial qui avait pris un set par la suite à Rafa Nadal. Sentais-tu que tu pouvais faire mieux sur ce match ? 

« C’était une période où je jouais très bien. Je m’étais qualifié et Sinner jouait très très bien aussi, il avait mis 3 sets à Goffin juste avant. J’aurais peut-être pu mieux faire parce que je le sentais quand même un petit peu tendu. Mes 3 débuts de set où à chaque fois il fait la course devant me plombent. J’ai toujours fait la course derrière, j’ai essayé de revenir avec quelques petites occasions parfois mais, en soi, le fait d’avoir mal débuté les sets à chaque fois, me condamnait à ne pas pouvoir plus l’inquiéter que ça. »

Venons-en à ton exceptionnelle saison 2021, qui n’est bien sûr pas encore terminée. Tu remportes 6 challengers, tu enchaines 21 victoires d’affilée, ce qui est tout simplement incroyable. Qu’est-ce qui a fait que tu te sois senti aussi bien ? Quelque chose a changé dans ton jeu ? c’était mental ? 

« On a beaucoup travaillé avec mon entraineur depuis 2019. A peu près dans tous les domaines, on a fait beaucoup de travail technique, mental. C’est cette évolution-là qui a fait que je sois monté au classement. Après, je ne m’attendais pas du tout à gagner autant de challengers cette année, mais c’est vrai que le cheminement en termes de progression a été bon jusqu’à maintenant. Je sentais cet été que j’arrivais à très bien jouer à partir du moment où j’ai gagné mon 3ème challenger à Segovia. Après, je suis parti sur la tournée aux US où j’ai pu m’entraîner avec pas mal de bons mecs et c’est vrai que la tournée a été bonne en termes d’entrainements, mais moins en termes de matchs, parce que j’ai perdu au premier tour des qualifs à Toronto puis également en finale des qualifs de l’US. Je décide donc de revenir en France jouer les 3 challengers, je gagne les 3 mais c’était vraiment exceptionnel, je ne m’attendais pas à ça. J’étais très content d’avoir gagné Saint Trop, après je me suis dit : écoute, on va essayer de faire au mieux à Cassis, peut être que tu vas pouvoir faire le doublé. J’ai fait le doublé puis après c’était le même raisonnement pour Rennes. C’est un ensemble de choses que l’on a beaucoup travaillées avec mon coach, mais en gagner 3 à la suite, c’était exceptionnel. 

Face à Lucas Pouille à Cassis, on a fait un bon match, j’ai trouvé qu’il jouait bien. Après, forcément, j’avais un peu plus de confiance que lui à ce moment-là et c’est peut-être ce qui m’a permis de faire la différence sur les moments un peu chauds de fin de set. C’est un joueur qui est capable d’avoir des énormes éclats, il a été top 10, il se passe un truc en plus quand il joue, il faut qu’il continue à enchaîner les matchs et qu’il retrouve actuellement cette confiance pour remonter plus haut. »

Benjamin Bonzi remporte son 6ème challenger de l’année à Rennes. Photo : Remy Chautard

Tu es actuellement à Saint Pétersbourg pour préparer le 250, qui se tiendra lundi prochain.  Comment sont les sensations et es-tu confiant par rapport au match que tu as fait face à Millman cette semaine à Moscou ? 

« Cette année, sur les quelques 250 que j’ai fait, j’ai souvent perdu, accroché sur des bons mecs comme Khachanov, Goffin, ou encore Millman la semaine dernière. Il me manque encore cette expérience de jouer ces tournois plus souvent et ces mecs aussi. Ça se rapproche petit à petit. Je me sens plutôt bien, ça reste la fin de la saison, tout le monde est un petit peu émoussé mais dans l’ensemble, ça va. Il faut réussir à passer ce cap de gagner un ou deux matchs dans ces tournois-là pour pleinement se libérer, et c’est ce que j’espère faire ici ». 

Récemment, dans l’émission Dip Impact, Arnaud Di pasquale et Antoine Benneteau expliquaient que Lionel Zimbler voyait ses joueurs comme ses enfants. Comment qualifierais-tu ta relation avec Lionel sur le plan humain mais aussi sportif ? 

« C’est une relation où on est très proche, on est assez fusionnel. C’est vrai que Lionel a besoin de ce sentiment d’affection. S’il n’est pas comme ça, il ne s’investit pas donc il a besoin de ça, il fonctionne comme cela. Moi ça me convient tout à fait et que cela soit sur ou en dehors du court, on est très proche. »

Maintenant que tu es 63ème mondial, quels sont tes objectifs ? Atteindre le top 50 ? 

« L’objectif est d’essayer de raisonner de la même manière que je fais depuis 2 ans. Je n’ai pas trop envie de parler classement, il y a encore plein de choses à améliorer dans mon jeu. Il va falloir pas mal encore travailler. Si tu m’avais dit il y a un an de ça que je serais 60ème, je ne t’aurais pas cru ! Donc, on ne sait pas ce qu’il peut se passer et il faut prendre les choses comme elles viennent. Je ne sais pas de quoi l’avenir est fait, mais en tout cas il y a encore plein de domaines dans lesquels je peux progresser et je pense que je ne suis pas encore au maximum de ce que je peux faire. »

Enfin dernière question, les interclubs de la FFT démarreront le 20 novembre. Toi et Hugo Gaston notamment faites partie de l’équipe du Stade Toulousain. Vous considérez-vous comme les favoris de cette compétition par équipes ?  

« On a une belle équipe, mais il y aura des équipes bien plus fortes que nous. On va voir comment cela se passe. Ça reste des interclubs, les formats de jeux sont quand même très aléatoires, avec maintenant le super tie break au 3ème set en simple. On aura peut-être notre carte à jouer si tout se passe bien, mais je ne pense pas qu’on sera les favoris. »

Interview réalisée le vendredi 22 octobre à 15h.

Merci beaucoup à Benjamin de nous avoir accordé un peu de son précieux temps et merci pour sa gentillesse. Nous lui souhaitons bon courage pour la fin de saison, un excellent Bercy et surtout plein de belles victoires à venir 🙂

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