Roland-Garros face à la guerre en Ukraine

photo : @_c_e_d_r_i_c / @philmontigny / @fftennis

Ce dimanche 22 mai débute la 121e édition de Roland Garros. Les joueurs et joueuses russes et biélorusses seront bien présents durant cette quinzaine des internationaux de France de tennis. Pourtant l’organisation de Wimbledon a choisi de les exclure, devenant ainsi le premier tournoi de tennis à écarter individuellement des joueurs compte tenu du contexte de la Guerre en Ukraine. Pourquoi Roland-Garros n’a-t-il pas fait ce choix-là ?

C’est le 20 avril dernier que les organisateurs de Wimbledon ont décidé d’exclure les joueurs russes et biélorusses du tournoi londonien pour l’édition 2022. Une déclaration suivie par la Fédération anglaise de tennis (British Tennis) qui a annoncé que la sanction s’appliquerait aussi à toutes les épreuves sur gazon prévues au Royaume-Uni. Jusqu’à présent les organisations du tennis mondial (l’ITF,  l’ATP et la WTA) n’étaient pas allées aussi loin puisqu’elles avaient seulement exclu les équipes représentant la Russie et la Biélorussie de la Coupe Davis et de la Billie Jean King Cup.

Quelles sanctions pour contrer les plans Russes ?

C’est ainsi que les Etats-Unis, leurs alliés et l’Union européenne ont décidé de prendre de nombreuses sanctions ayant pour but d’asphyxier économiquement la Russie. Même si l’efficacité de ces mesures restent encore à déterminer, elles avaient pour but de mettre la pression sur Vladimir Poutine tout en évitant une escalade militaire mondiale. Parallèlement, le monde du sport, via le Comité International Olympique, a aussi réagi pour faire en sorte que les symboles de l’Etat russe, à travers ses athlètes et ses équipes, n’apparaissent pas dans les compétitions internationales.

Ainsi, dans le monde du tennis plus précisément, la seule décision prise jusqu’au 20 avril fut la neutralité de la bannière pour les joueurs et joueuses Russes et Biélorusses. Difficile pour l’ATP de prendre de plus sévères décisions envers les sportifs concernés. D’autant plus que, le 25 février dernier, dès le lendemain du début de l’offensive, Andrey Rublev inscrit la mention « No War » sur l’une des caméras du tournoi à l’issue de sa victoire en demi-finale du tournoi ATP de DubaÏ. Quelques jours plus tard, c’est Daniil Medvedev, à l’époque n°1 mondial, qui publie un long message, en anglais et en russe, sur les réseaux sociaux en faveur de la paix entre les pays.

Comment est née la décision de Wimbledon ?

Mais, le 20 avril dernier, l’annonce faite par les organisateurs du tournoi de Wimbledon allait provoquer une énorme déflagration et une vague d’indignation sans précédent dans ce sport. Les organisateurs de cette légendaire épreuve annonçaient que les joueurs et joueuses Russes et Biélorusses ne seraient pas autorisés à participer au tournoi londonien. La brutalité de cette décision surprenait alors par son aspect arbitraire et brutal. Quels sont les facteurs qui ont conduit à cette décision ? 

On peut en effet se questionner sur l’intégrité des patrons du tournoi londonien. Ont-ils pris une telle décision par simple conviction ou bien ont-ils été influencés par un tiers ? En effet, toujours à la recherche d’un coup d’éclat médiatique, le très impulsif et détonnant Boris Johnson aurait-il influencé ce choix ? 

Curieusement, le 19 avril, veille de cette annonce tonitruante, Boris Johnson s’excusait platement devant le Parlement… Il tentait alors de calmer les ardeurs des représentants du peuple et de l’opinion publique. En effet, une immense majorité des députés étaient indignée, voire révoltée, et ce également parmi les conservateurs dont Johnson est la tête de proue. En effet, suite à l’afflux de preuves accablantes déversées par les tabloïds anglais, la colère grondait fortement outre-Manche et il n’y avait d’autre issue que la grandiose mise en scène des excuses solennelles du premier ministre. La publicité des soirées arrosées organisées dans les jardins de Downing Street par le Premier Ministre, avec ses amis et membres de gouvernement, ce, au beau milieu d’un confinement strict imposé par ce même gouvernement, eurent l’effet d’une bombe. Johnson fut contraint, acculé par la presse et son propre parti, de mettre un terme à cette polémique en s’excusant publiquement devant les représentants du peuple. Le lendemain, Wimbledon annonçait l’impensable. Le Party Gate, sobriquet élégamment donné à ce scandale d’état, fut ainsi en partie étouffé, soufflé par l’impact considérable du choix des organisateurs de Wimbledon.

Roland Garros suit les recommandations du CIO, Wimbledon est l’exception

Le 27 avril, les organisateurs de Roland Garros rappelle qu’ils « suivent les recommandations du CIO qui ont ensuite été suivies par une prise de position de l’ITF (Fédération internationale de tennis) à savoir: s’agissant des joueurs pris individuellement, ils pourront jouer, mais avec l’imposition d’un strict régime de neutralité; donc pas de drapeau, pas d’hymne et même pas le nom russe apposé à leur nom. »

Finalement, le tournoi de Roland Garros ne fait que suivre le consensus mondial autour de cette question d’exclure ou non les athlètes russes et biélorusses. Wimbledon fait office d’exception. Une exception qui s’explique par le fait que le tournoi londonien suit la ligne de conduite du gouvernement britannique. Depuis avril, le gouvernement de Boris Johnson a une position ferme vis-à-vis de la Russie, en multipliant les sanctions : interdictions d’exportation, hausse de tarifs douaniers ou encore la chasse aux oligarques russes, qui a d’ailleurs entraîné la mise en vente de Chelsea par Roman Abramovitch.

L’ATP et la WTA en tout cas condamnent la décision britannique. Pour eux « la discrimination basée sur la nationalité constitue également une violation de nos accords avec Wimbledon aux termes desquels la participation d’un joueur n’est basée que sur son classement » et réfléchissent à d’éventuelles sanctions. Difficile de voir Wimbledon faire marche arrière. Tous les yeux se tournent désormais vers le tournoi du Grand Chelem de l’US Open, qui n’a pas réagi, mais qui pourrait suivre la voie britannique, surtout quand on sait que les Etats-Unis durcissent leurs sanctions à l’égard de la Russie.

Article rédigé en collaboration avec Kévin Veyssièrere, créateur du média FC Geopolitics. Pour le suivre : @FCGeopolitics sur Twitter

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